Critique
de Le Jeu de l'absence de J-D Verhaeghe,
Caroline, lesmotsenpremier.blogspot.com
Jean-Daniel
Verhaeghe est né en 1944. Réalisateur et écrivain français,
il est connu surtout pour ses adaptations télévisées d'oeuvres
littéraire : vingt-huit ans de carrière, trente-sept films et
séries tournés. Nous lui devons « Qu'est-ce qu'on va faire
de toi ? » en 2011, « Chez Maupassant »,
« Georges et Fanchette » en 2010. Il a mis en scène tour
à tour Claude Rich, Malik Zidi, Didier Bezace, Laure Duthilleul,
Pascal Elso et , surtout, Pierre Vernier. Nous pouvons citer aussi
plus particulièrement , en 1991, La Controverse de Valladolid qui
remporte un grand succès. Pour le cinéma, il signe en 2006 une
adaptation du roman célèbre, Le Grand Meaulnes.
Pour ce qui concerne les livres, il écrit et publie, en 2002, Un
Goût du secret aux éditions
du Rocher.
Toujours
sur cette planète « livres », arrive en Août 2012, aux
éditions Arléa dans la collection « 1er Mille » le
roman : Le Jeu de l'absence
que grâce aux Chroniques Littéraires, j'ai choisi et commente après
l'avoir ardemment attendu. Une couverte blanc-crème, un titre
bleu-noir sobre et un bandeau bleu aussi avec cette interrogation :
« En amour, la
fidélité n'est-elle qu'une absence de désir ? »
Si
je la marque nettement, c'est qu'au fil de ma lecture, je me suis
aperçue que j'y revenais, qu'elle me taraudait, me questionnait
comme si elle refusait que je la « lâche » avant d'avoir
terminé ma lecture.
Ferdinand,
lui, a Jeanne ; Jeanne, elle, a Ferdinand. Un jeune couple en
somme, dix ans de vie commune, sans une ombre, un brouillard, une
brume, même fugace. Ferdinand a aussi Jorgen Hörtan. Jeanne a aussi
Pierre Loti. Le livre de l'auteur norvégien que Ferdinand a à
traduire sera le prétexte, les recherches de Jeanne sur Loti le
prolongement qui étire l'histoire de J-D Verhaeghe. Des échos
entre la fiction, le roman, et la vraie vie de Jeanne et Ferdinand ;
la réalité est si mince...Un couple marié depuis presque un
demi-siècle décide de s'imposer une séparation pendant un an, une
parenthèse choisie pour mieux se retrouver dans l'espoir d'un amour
encore plus intense. Ferdinand et Jeanne, Jeanne et Ferdinand...
« C'est dans un grand bonheur et une vive
exaltation » qu'ils vont à leur tour préparer cette
absence. Départ de Jeanne en Mai, retrouvailles le 23 Septembre. Une
parenthèse de cinq mois avec un amour à nourrir de ce jeu cruel ?
Pervers ? Pourquoi s'éprouver l'un l'autre ? Une autre
question pointe le bout de sa plume : Jeanne et Ferdinand
seront-ils au rendez-vous ? Ferdinand prépare et savoure une
escapade à Rochefort où séjourne Jeanne, incognito, pour lui
offrir, au sens propre du terme, soit faire don, le roman de Jorgen
Hörtan enfin traduit. Et , comme la vie, est si bien faite, nous
voici avec Jeanne qui découvre avec avidité les premières lignes
dans un café et...se retrouve soudain devant Victoria, qui tout en
croquant à pleines dents dans un croissant, lui révèle qu'elle est
« l'héroïne du roman »...jusqu'à ce que cela bascule
car Jeanne est bien réelle, vivante et elle n'est pas Victoria. «
Dans une semaine, Jeanne devait rentrer à Paris. Retrouver Ferdinand
sur le quai lui faisait peur. (…) le jeu était
stupide. Comment avait-elle pu en accepter les règles ? ».
Mais le voyage de Jeanne n'est pas encore terminé, abouti en quelque
sorte. Sera-t-elle sur le quai le jour du rendez-vous ?
Rejoindra-t-elle l'héroïne du roman norvégien ? Ferdinand,
fiévreux, épris, attendra-t-il sur le quai de la gare
Montparnasse ?
139
pages : une impression de légèreté, voire d'évanescence,
lorsque j'ai ouvert l'enveloppe sur laquelle j'avais moi-même
inscrit mon nom. Impression de se faire un cadeau à
soi-même...Allais-je être à la hauteur du présent ? Toujours
cette sorte de crainte mêlée de désir qui me tient avant de
franchir la première page...Des pages légères, oui. De courts
passages, quatre lignes parfois, comme des gouttes de pluie. Une
pluie fine, régulière qui me fait penser à une sonate de Bach.
Puis, c'est l'image du tissage qui s'impose : des fils d'une
finesse toute subtile se croisent tenus par les navettes que conduit
le stylo de l'auteur. La réalité et la fiction, ou la fiction dans
la fiction, s'imbriquent pour donner un certain relief au propos qui
pourrait paraître simple, voire simpliste. Un ruban se déroule et,
sous une forme assez limpide, ce ruban creuse un sillon sur,
finalement, la nature humaine, sa constance et son inconstance.
C'est, surtout, par cette écriture en apparence « sans
danger », que Jean-Daniel Verhaeghe séduit son lecteur et nous
« ré-apprend » combien simplicité et profondeur peuvent
être intimement unies. Le lecteur peut imaginer sans peine les
images du film, les acteurs, la lumière, la prise de vue, la
musique, les décors : Benoît Magimel et Isabelle Carré pour
se fondre dans Ferdinand et Jeanne...Ce roman est en quelque sorte
une preuve que les livres réussis ne sont pas tributaires du nombre
de pages et c'est aussi une façon démontrer que sous des allures de
facilité livresque se cache un réel travail d'auteur.